Interview de Jean Charles de Castelbaljac
Le
12/01/11
Enregistrement au dictaphone
« La
mode ne m’a jamais intéressée en tant que mode, elle
m’a intéressée en tant que medium »
Quel
est votre définition pragmatique de l’art et de la mode?
Je
pense que l’art est définitivement là pour poser des questions,
troubler, pour interpeller.
Et la mode est là pour répondre à
des questions, pour séduire, troubler aussi.
Quand
et comment avez-vous commencé à voir que ces deux mondes à priori
« différents »
Avaient
des ponts, des sortes d’échanges ?
Je n’ai jamais considéré l’un sans l’autre. La mode ne m’a jamais intéressée en tant que mode, elle m’a intéressée en tant que medium, elle m’a intéressée pour monter sur scène, pour faire des performances, rencontrer des gens, et aussi pour troubler. Quand je fais un Manteau Ours dans les années 80, ce n’est évidemment pas un vêtement, c’est une provocation, c’est manifeste.
Ceci
à commencé avec les robes-tableaux,
peintes par Jean-Charles
Blais,
Robert
Combas,
Loulou
Picasso etc.…
en 1982 ?
Les
tableaux sur les vêtements c’est venu très tôt. Mais ca n’a
pas commencé avec ces robes. Ce décloisonnement a été omniprésent
dans ma vie. Tout d’abord je n’ai pas commencé par la mode, j’ai
commencé par créer des vitrines, je faisais pour gagner de l’argent
un travail d’étalagiste, ou je présentais des choses totalement
surréaliste dans des vitrines a limoges.
Ensuite j’ai fait de
la mode, mais parallèlement je faisais des tableaux inspirés
d’après des polaroids explosés. Donc tout était étroitement
lié, simplement je pense qu’on voit mieux mon travail en
perspective depuis qu’internet existe. Cette transversalité, ce
décloisonnement qui est venu avec internet créé le grand tout en
fait. Et votre génération c’est la génération du grand tout.
Une génération qui ne se dit pas « Il
est couturier, il est artiste, il est chanteur etc.. »,
en fait vous jugez sur une œuvre, une intention sur le talent de
quelqu’un et ça, c’est la force de l’époque.
Justement
aujourd’hui vous avez des inspirations, des influences
précises?
J’en
ai au quotidien mais mon inspiration principale, c’est l’histoire
en elle-même,
Mon histoire, ma quête, la dimension de mes peurs.
J’aime tout ce qui est spectrale, fantomatique,
Le grotesque,
l’absurde, les fantômes, ce qui m’interpelle, tout ce qui est de
l’ordre de la trace. Ce sont mes principales sources d‘inspiration.
Là, par exemple je suis très excité, j’ai été sollicité par
la MAC de Créteil, la maison des arts et de la culture qui chaque
année fait un festival qui s’appelle «Exit« .
L’an passé c’était Philip Starck avec Soundwalk, l’année
précédente Sébastien Tellier et Xavier
Veilhan, puis
il y a eu Koudlam avec Cyprien Gaillard. Et, en mars prochain c’est
Nouvelle Vague et moi. Chaque année, un plasticien qui met en scène
un musicien
Pour le 18 Mars je vais faire quelque chose de
totalement stérile, cela s’appelle « Ceremony »,
et j’adore ! Je m’amuse beaucoup dans la scénographie avec
Nouvelle Vague. C’est
de nouveau une manière de me mettre en danger et c’est-ce qui me
plait dans l’Art.
Que pensez-vous avoir créé, dans ce domaine? Quelque chose d’exceptionnel que personne d’autre n’aurait fait dans le passé ?
J’ai
beaucoup de mal a évoquer mon passé. Je préfère cette nouvelle
turbulence ce nouveau trouble qui est en train de naitre en moi. Hier
j’étais à la MAC de Créteil, j’ai vu cette scène de 750m2,
comment rendre vivant un groupe de cinq personnes sur un terrain de
football, j’adore ça en fait.
En dehors de cela j’ai eu des
expériences exceptionnelles et des rencontres exceptionnelles toute
ma vie.
J’ai
eu la chance d’être proche de Basquiat, de Warhol et bien
d’autres. Donc c’est plutôt les rencontres dans ma vie qui
m’interpellent que ce que j’ai fait, et peut être aussi d’avoir
participé à la révélation de jeunes talents a qui j’ai donné
un coup de pouce.
Pouvez-vous me parler du relooking de la statue d’Henry IV, «Astronomy Domine» ?
On
vit dans une ville à la beauté banalisée, il ya tellement de
beauté partout qu’on ne la voit même plus !
Lorsque Fréderic
Mitterrand m’a demandé d’intervenir pour le 400eme anniversaire
de la mort d’Henry IV, j’ai tout de suite vu ce phare cet endroit
incroyable dans paris, comme une pierre angulaire de la
capitale.
Vous avez donc voulu mettre en lumière une disparition comme le faisait Christian Boltanski ?
C’est
ce que je vais faire avec Nouvelle vague. J’ai voulu Cristalliser,
j’ai voulu soudain lui donner une dimension interstellaire,
cosmique, qui soit certes dans la ville mais qui nous emmène dans
une dimension astrale, c’est comme ça que j’ai commencé ce
travail de cristallisation. Je vais continuer d’ailleurs, j’ai un
projet à Lyon autour de la statue de Louis XIV place Bellecour et
puis j’ai très envie de cristalliser notre chère Jeanne d’Arc
place des Pyramides. Cela la restituera à une mémoire collective et
pas juste a l’intérêt de quelques-uns.
Mon plus beau
compliment fut qu’au bout de quelques semaines, les gens appelaient
la statue d’Henry IV cristallisée « H4P9« .
Un peu comme un vaisseau spatial.
Toujours pour parler de votre échange avec l’art, comment s’est passé le travail avec le dessinateur Artus de Lavilléon lorsque celui-ci illustra votre biographie?
Arthus fait partie de ma bande et on s’est compris tout de suite. J’avais remarqué son travail de fanzine et un jour je lui ai demandé qu’il m’en apporte un. Il est venu au bureau et je me suis dit son travail est génial, il faudrait un sujet que l’on puisse développer ensemble. Je lui ai demandé de faire ma biographie en bande dessinée. Casterman a accepté l’idée et Artus a donc fait ce superbe travail. On est parti dans ce projet, puis ensuite il y avait mon exposition « Gallierock » au musée Galliera dont il a fait l’affiche. On est toujours proche, c’est un garçon que je trouve très touchant, il y a du sens, de l’authenticité de l’émotion chez lui.
Donc Depuis Warhol est Basquiat vous avez continué à vous entourer de personnes du milieu de l’art finalement, Arthus en est la continuité.
Je m’entoure de gens comme moi au final. Je retrouve le même état d’esprit. Ce que j’aime chez les artistes c’est qu’ils ont construit sur leurs blessures. Ils n’ont pas renoncé, ils n’ont pas succombé. On a tous des blessures lorsque l’on est enfant, et les artistes transforment ces blessures en créativité, en acte fort.
Ma dernière question est la suivante, où puis-je trouver le prochain « Ange » que vous dessinez à la craie dans tout paris ?
Oh, il y en a tellement! J’ai fait une invasion depuis quelques temps. Beaucoup se trouvent rue de Castiglione dans le prolongement de Jeanne d’arc. A Saint Roch il y a toujours des anges Saints rock’n’roll. Actuellement il yen a plus d’une centaine.
Sont-ils toujours de vous ou ya-t-il des plagiats de mains inconnus?
A
ce jour je suis quasi sûr qu’ils sont tous de moi. En revanche il
y a un garçon qui me suit maintenant depuis six ans et qui dessine à
coté de mes anges des diables à la craie rouge. Je trouve ceci très
intéressant car selon moi le diable n’est pas un ennemi c’est un
adversaire.
Un
petit mot pour conclure peut-être?
Voila
donc tout cela c’est mon processus, je ne dissocie pas l’art de
la mode. Aujourd’hui tout est transversal, mes défilés sont des
installations, actuellement je prépare ma prochaine exposition qui
s’appelle « La
noblesse de l’échec »
donc je continue et c’est passionnant. Je vous donne rendez-vous à
la MAC de Créteil le 18 Mars prochain pour le festival Exit. J’ai
mené la direction artistique de l’affiche en collaboration avec le
photographe Mathieu César, encore une révolution !
Références
WEB
:
http://www.jc-de-castelbajac.com/
http://www.maccreteil.com/
http://artusdelavilleon.com/
Page
facebook du photographe Mathieu
César
http://www.facebook.com/people/Mathieu-Cesar/100000087020773
Sophie Colombani